Les conséquences dramatiques des évènements climatiques sur la Pointe de la Fumée sont dues à la négation de ses caractéristiques géographiques, historiques et environnementales initiales, redoublées d’une inconscience sociale et culturelle des risques découlant de ces amnésies collectives. Notre projet de requalification propose donc à la fois de raviver la conscience spatiale des réalités complexes du site, de régénérer son identité, de revaloriser ses qualités environnementales, tout en optimisant l’économie et protégeant les activités humaines des aléas géoatmosphériques. C’est avec la conscience aiguë de ces enjeux que nous abordons le projet de requalification de la Pointe de la Fumée comme une restauration du caractère maritime de la presqu’île devenue péninsule.
Le projet doit être une nouvelle façon de lire et de pratiquer avec plaisir la pointe, depuis la plage et le port nord jusqu’à la Fumée, pour instruire, par le paysage, les habitants et visiteurs sur les enjeux environnementaux tout en cadrant l’économie maritime. Cette nouvelle perception du territoire par les populations est la condition de réussite d’un projet de paysage acceptable et pérenne.
Les analyses de risques et de géomorphologies nous imposent d’abord de révéler les deux grandes séquences paysagères du site, l’une maritime, l’autre terrestre, pour mieux différencier et caractériser ces deux milieux. Leur point de basculement est situé au fort de la Redoute de l’Aiguillon positionné initialement comme barrière d’un isthme en partie remblayé. En amont de ce lieu majeur pour la compréhension du site, nous développons un projet terrestre et balnéaire, en aval d’un projet maritime et naturel.
Pour réexprimer le statut géographique du fort, nous utilisons les moyens originaux du génie militaire en proposant, autour de la Redoute, un subtil nivellement évoquant les escarpes et contrescarpes disparues, vocabulaire de talus enherbés qui assurent la continuité avec la prairie du casino. Les clôtures actuelles et périphériques de la parcelle sont supprimées et déplacées au plus proche des risques de chutes ou des enjeux de protection, par la mise en place de limites en ganivelles et de barrières bois plus intégrées.
À l’est de la Redoute, un terrassement en déblais/remblais creuse la trace d’un ancien chenal maritime tout en restituant une île disparue. Ce dispositif végétal d’ « île factice » restituant la perception de l’isthme, est aménagé en parc naturel. Son accès est limité à l’ancienne demi-lune réinterprétée en forme de belvédère en bois.
Ce seuil militaire recomposé par évocation, nous pouvons, en amont, développer le projet balnéaire. L’avenue du 11 Novembre est requalifiée en mail arboré de pins, où stationnent en saison les véhicules initialement programmés sur la prairie du Casino que nous voulons renaturer et restaurer dans son statut historique d’esplanade du fort.
Pour redonner au Bois Vert son statut spatial originel de Parc du Château, nous redessinons les allées est/ouest en lien vers les côtes et les villas. En gommant l’extrémité de la rue du Bois Vert fonctionnellement en saison et physiquement en vocabulaire, nous révélons ce qui était l’ancienne allée nord/sud du château, desservant autrefois le fort sans le couper de la prairie. Au centre de cette esplanade verte, une zone humide anciennement cartographiée, est réinstallée et alimentée par les eaux pluviales des voiries. Elle est encadrée par des pelouses festives équipées et replantées sur leurs franges.
Le carrefour de la Roseraie est une coupure routière entre le Parc du Château, la plage et le port nord et le centre bourg que nous proposons d’effacer par la suppression de voiries simplifiant les traversées piétonnes et les relations paysagères. Le carrefour devient jardin de la Roseraie, siège de l’office de tourisme, porte de l’espace multimodal et entrée touristique des nouvelles promenades de la presqu’île.
Au passage du fort, le balnéaire devient maritime, le mail de pins se transforme (relativement), en gois, en gué, en voie sur un isthme. Nous en changeons la matérialité et le paysage. La chaussée enrobée devient chemin de béton et de pierres, les espaces adjacents sont des espaces naturels. Passé le fort, l’étroitesse de l’isthme est magnifiée par un traitement de la voie en pierre massive sur toute sa largeur qui ressemble aux chaussées submersibles de Noirmoutier ou de Saint-Malo.
Le village ostréicole est valorisé dans son identité professionnelle et sa précarité relative par une charte d’aménagement et de gestion qui le préserve dans son ambiance pittoresque. Conformément au programme, les fonctions professionnelles et touristiques sont clairement dissociées et optimisées en limitant le stationnement à une seule poche paysagée. La place du Rivage de la Vierge et les avancées maritimes, belvédères en pierre ou en bois, sont autant de ponctuations dans un parcours étroit qui valorise les vues latérales sur la mer et le grand paysage dans une approche retenue de l’aménagement.
La pointe fait l’objet d’un projet de renaturation permis par la diminution du nombre de stationnements et des emprises de voiries. Trois stratégies environnementales sont mises en place, une renaturation passive, une active et un paysagement qui s’appuie sur la préservation du patrimoine arboré, valorisé et renforcé, pour minimiser l’impact automobile. Entre le port et la côte ouest, les échanges multimodaux sont organisés sur un quai terrestre privilégiant les piétons. Un chemin littoral, un deck et une grande perspective pédestre sont mis en œuvre pour canaliser les fréquentations et protéger les espaces de renaturation. Le vocabulaire d’aménagement est fait de matériaux et de matériels à faibles impacts. Les espaces portuaires et touristiques sont autonomisés dans leur fonctionnement et homogénéisés dans leur vocabulaire par une charte d’aménagement développée dans le cadre du plan guide d’aménagement.
Notre projet se veut humble dans l’expression de sa forme et ambitieux dans ses objectifs de restauration des milieux, de restitution des spécificités des paysages et de réinterprétation de l’histoire et de la géographie. Ces trois axes de travail sont la condition du consensus nouveau entre enjeux environnementaux et socio-économiques, entre protections dures et renaturation. Ils sont aussi la condition de l’acceptabilité du projet par l’ensemble des acteurs de la protection ou du développement.